Bonjour Ewa, peux-tu te présenter et nous parler un peu de ton parcours ?
Je m’appelle Ewa Pluciennicka, Ewa avec W, qui provient de mes origines polonaises. J’ai grandi en Pologne et je suis venue en France pour mes études. J’ai toujours aimé travailler avec les gens, donc étudier la psychologie était un choix assez naturel pour moi.
Après 5 ans, j’ai obtenu un master 2 en neuropsychologie à l’Université de Strasbourg.
J’ai ensuite travaillé pendant deux ans comme neuropsychologue. Ce fut une grande expérience clinique, avec de nombreux cas intéressants et des questions sans réponses. Cela m’a donné envie d’en apprendre encore plus sur le cerveau humain. Fin 2011, j’ai donc intégré le programme de doctorat en psychologie cognitive de l’Université de Lille.
C’était l’une des périodes les plus intéressantes et les plus intenses de ma vie, durant laquelle j’ai beaucoup appris sur la science mais aussi sur moi-même. J’ai obtenu mon doctorat en psychologie cognitive en 2015 et j’ai suivi mes 2 expériences post-doctorales à l’Université de Strasbourg.
Enfin, début 2020, j’ai créé PhD Success, une plateforme en ligne dédiée à l’accompagnement psychologique des doctorants.
Quel est l’objectif de PhD Success ?
Pendant mon doctorat et mes post-docs, j’étais très préoccupée par les questions de santé mentale dans le milieu universitaire, et j’ai vu beaucoup de mes amis et collègues doctorants en souffrir.
J’ai également dû faire face à certains défis, et j’ai donc compris qu’il est très important d’être bien entouré et d’avoir du soutien.
Tout d’abord, j’ai commencé à faire du conseil parallèlement à mes activités post-doctorales, simplement pour aider mes collègues qui étaient en train de faire leur doctorat. À l’époque, je me suis rendu compte que pendant mon doctorat, j’avais acquis une grande maturité et de l’expérience.
Cette maturité, couplée avec ma pratique de la psychologie, m’a donné une compréhension profonde de défis de thèse et une possibilité d’aider mes collègues doctorants.
Mes collègues étaient très contents et ont constaté des améliorations dans leur doctorat. Ils ont alors commencé à me recommander à leurs amis doctorants…
C’était le début de mes activités de “coaching” qui m’ont progressivement amené à créer PhD Success.
En bref, PhD Success est né de ma passion pour la psychologie, de mon désir profond d’aider les autres et de ma conviction que le parcours du doctorat peut être meilleur, et que faire de la recherche ne doit pas être synonyme de souffrance!
L’objectif de PhD Success est de soutenir les doctorants tout au long de leur parcours, de les aider à surmonter les difficultés mentales liées à leur doctorat, et surtout de les aider à devenir des chercheurs plus confiants, plus productifs et plus heureux.
La santé mentale des doctorants s’aggrave d’après Nature, qui a observé par le biais d’une étude bisannuelle une augmentation du nombre de doctorants assujettis à des niveaux marqués d’anxiété (de 29% à 36% en 2 ans), et ce, avant la crise du COVID qui vient encore accentuer ces problématiques de solitude et de santé mentale.
Qu’en pensez-vous ? Avez-vous remarqué une augmentation du nombre de doctorants qui venaient vers vous suite à ces problématiques ?
Honnêtement, je suis contente de voir de plus en plus de publications sur les risques pour la santé mentale pendant le doctorat. Cela montre qu’il s’agit d’un véritable problème et non d’un cas isolé. Le fait de disposer de recherches objectives sur ce sujet rend la question de la souffrance mentale chez les doctorants impossible à ignorer. L’étape suivante consiste à trouver des solutions pratiques pour la prévenir, et j’espère que les actions PhD Success peuvent en faire partie.
La plupart des doctorants me contactent parce qu’ils veulent travailler mieux et plus vite et se sentir mieux dans leur travail de thèse. Mais très souvent, différents problèmes se cachent derrière cette raison, le plus souvent une faible estime de soi, des attentes individuelles très élevées, de l’anxiété, du stress ou un manque de suivi.
Au cours de la crise de la COVID-19, un plus grand nombre de doctorants m’ont contacté en raison de leurs habitudes de travail et de leur manque de motivation. De nombreux projets de doctorat ont été mis en attente, ce qui a ajouté encore plus de stress et d’incertitude rendant ainsi le travail de thèse encore plus difficile.
C’est aussi au printemps dernier, que j’ai lancé PhD Success Community, notre groupe de soutien en ligne, pour pallier la solitude et l’incertitude de la situation.
Quels sont les maux qui apparaissent le plus souvent chez les doctorants au cours de leur thèse ?
Le plus grand défi est la surcharge de travail et ses conséquences, tel que le stress constant, l’anxiété, le manque de confiance en soi ou encore le manque d’équilibre entre la vie personnelle et professionnelle.
En outre, les doctorants se sentent très souvent seuls face à ces difficultés et manquent de supervision et d’orientation adéquate. Enfin, les perspectives d’avenir, le choix de carrière et l’incertitude qui peut être liée à cela, constituent également un grand défi et souvent une source d’angoisse.
C’est pourquoi j’apprécie les actions de Science me up. Elles aident les doctorants à voir les nombreuses opportunités qui existent après le doctorat et leur donnent confiance dans l’avenir.
Comment aidez-vous les doctorants qui rencontrent ces difficultés ?
J’aide les doctorants en leur offrant un soutien de groupe et des consultations individuelles. Ces deux types de soutien sont très concrets, pratiques et axés sur des solutions.
Le soutien de groupe – PhD Success Community – est d’une grande aide pour les doctorants qui se sentent seuls et qui ont du mal à travailler chez eux, à se motiver et à s’organiser. Les événements de groupe leur donnent une structure pour un travail productif tandis que le soutien de groupe leur permet de se sentir entourés et de se faire de nouveaux amis. C’est également un safe space où l’on parle des moyens d’améliorer le bien-être pendant le doctorat.
Je recommande vivement à tous les doctorants d’avoir un tel groupe de soutien !
Les consultations individuelles représentent un soutien encore plus robuste et adapté aux besoins individuels.
Selon la difficulté, l’approche peut être légèrement différente, mais en général, j’essaie de comprendre précisément la situation mais aussi la façon dont une personne pense et vit différentes situations, puis je propose des solutions et nous les testons ensemble. Il s’agit d’un processus interactif.
Pour ce faire, j’utilise des thérapies cognitives et comportementales, la neuropsychologie et quelques exercices de psychologie positive. Lors de nos séances, j’explique aussi beaucoup de choses et je leur donne des outils pour qu’ils puissent mieux comprendre et mieux gérer leurs futurs dans l’avenir.
Quels conseils donneriez-vous à un.e doctorant.e en difficulté ?
Mon conseil est de ne pas rester seul ! Si vous souffrez, n’êtes pas heureux dans votre doctorat ou dans votre vie, parlez-en avec vos collègues doctorants. Vous vous rendrez vite compte que vous n’êtes pas seul face à vos difficultés. Vous pourrez obtenir les conseils et le soutien dont vous avez besoin.
Je crois sincèrement au pouvoir du soutien par les pairs (peer-support) et j’encourage tous les universitaires à y recourir.
Je sais qu’il n’est pas toujours facile de discuter avec des collègues du même laboratoire, mais j’encourage les doctorants à rejoindre les associations de doctorants, à participer à différentes formations et rencontres où vous pouvez rencontrer d’autres doctorants, et à construire votre réseau de soutien.
Une success story à partager ?
Eh bien, il y en a beaucoup… !
Il y a une histoire que j’aime particulièrement car elle montre que nous avons nous-mêmes le pouvoir d’améliorer notre doctorat.
C’est l’histoire d’une des membres de la PhD Success Community qui a réalisé, lors d’une de nos rencontres en ligne, que sa plus grande peur était de parler en public. Elle évitait de parler en public depuis des années, elle évitait des conférences et elle laissait même présenter ses travaux par ses collègues. Après notre rencontre de groupe, elle a décidé de faire quelque chose pour y remédier.
Nous avons donc commencé à travailler individuellement, mais elle a aussi commencé à participer plus activement aux rencontres en ligne de PhD Success Community, où elle s’y sentait en sécurité.
Comme souvent, la prise de parole en public était liée à d’autres questions telles que ses propres exigences, et le manque de confiance en soi. Nous avons travaillé sur ce point, avec des questions et des exercices pratiques. Très vite, elle a su surmonter ses résistances et ses blocages, et a commencé à prendre davantage la parole dans ses réunions d’équipes. Elle a même présenté ses travaux en ligne, pour un très grand public de scientifiques.
Cette histoire est particulièrement puissante, mais il y a beaucoup d’autres histoires à succès.
Plusieurs membres de la communauté me disent qu’ils sont devenus plus conscients d’eux-mêmes, de leur façon de penser et de leur façon de travailler.
Même s’ils ne sont pas toujours productifs à 100 %, il leur est devenu plus facile d’arrêter de procrastiner et de revenir sur le chemin du travail et de la motivation, et la PhD Success Community a joué un grand rôle à cet égard.
De tels témoignages me rendent très fière car ils montrent qu’à travers la communauté, nos membres ont développé une meilleure conscience de soi et sont mieux équipés pour faire face aux défis de thèse.
Un dernier mot à nous partager ?
Je veux juste souhaiter à tous les doctorants beaucoup de succès dans leur parcours et leur recommande d’adopter une approche active dans leur doctorat.
D’être le “problème -solver” et non la victime de leur doctorat.
Je vous conseille également de considérer le doctorat comme un processus d’apprentissage et un moyen de croissance professionnelle et personnelle, et de vous entourer de personnes qui peuvent vous encourager et vous soutenir.
Enfin, je vous invite à rejoindre la PhD Success Community, notre groupe de soutien en ligne, qui est actuellement ouvert pour accueillir les nouveaux membres :
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