Emploi Scientifique : Comment allier milieux universitaires et privés ?

Laura-joy boulos phD
Maître de conférence, Consultante en R&D et Entrepreneuse

 

📡 MASTER 2 : NEUROSCIENCES COGNITIVES ET PSYCHOLOGIE
🛰 UNIVERSITE : UNISTRA
🏅 DATE D’OBTENTION : 2013

📡 (double) DOCTORAT : Neurosciences
🛰 UNIVERSITE : McGill et UNISTRA
🏅 DATE D’OBTENTION : 2017

💡 SCIENTIFIQUE PREFERE : J’aime la force, la stratégie et la vision de Brigitte Kieffer, l’innovation de Trevor Robbins et Barbara Sahakian, l’exploration de Matthias Pessiglione et l’excellent mélange de tout ça chez Rita Goldstein

🚀 LE TITRE DE TA THESE : Récepteurs mu aux opioïdes de l’habénula : récompense, aversion et fonctions cognitives dans l’addiction

 

  • Pourquoi avoir fait un doctorat ?

LJB : Ça s’est fait comme beaucoup de choses dans ma vie, par inadvertance. Je suis quelqu’un qui aime particulièrement planifier, me projeter, rêver, mais au final force est de constater que j’ai beau avoir mon programme, la vie a le sien.

Plus concrètement, j’ai fait mon stage de master dans le laboratoire de la Pr. Brigitte Kieffer à l’IGBMC. Je suis restée sur ma faim à l’issue de ce stage, je voulais travailler plus longuement avec elle, je voulais mieux comprendre le monde de la recherche aussi, et puis je suis de nature compétitive (c’est une manière élogieuse d’admettre que je suis mauvaise perdante) et quand j’ai appris qu’il y avait des concours à la fin du master pour décrocher une bourse doctorale, j’ai tout naturellement tout fait pour être qualifiée puis pour les réussir. C’était d’autant plus challenging pour moi que je venais d’une formation de psychologue, je n’avais pas de background scientifique et je devais rattraper mes lacunes très vite si je voulais me démarquer.

Une fois les concours réussis et la bourse décrochée, y’avait plus qu’à. C’est quand même terriblement difficile de refuser la possibilité de passer trois ans à travailler sur un sujet, à l’explorer de fond en comble pour en sortir quelque chose de valorisable au sein de la communauté scientifique. Au-delà du sujet lui-même, j’avoue que je pensais beaucoup aussi à l’aspect réseautage, à la formation plus globale d’un doctorat et aux ouvertures que ce dernier me donnerait dans le monde scientifique mais dans le monde tout court aussi.

 

  • Qu’as-tu fait à l’issue de ton doctorat ?

LJB : J’ai beaucoup hésité. C’est un comble pour quelqu’un qui travaille sur les processus décisionnels.

Un des avantages du doctorat c’est que, au moment de faire un choix professionnel, de décider de la prochaine étape de sa carrière, on est adulte. Enfin, on est adulte à 21 et 23 ans aussi, mais on l’est encore plus à 27 ans. A l’issue de mon doctorat je ne savais pas exactement ce que je voulais faire mais je savais que je voulais le faire vite.

Je voulais que mon travail ait un impact plus concret, plus palpable, plus mesurable et surtout plus grand. J’étais pressée d’être professionnellement active, j’avais une sorte de FOMO (Fear Of Missing Out), une peur d’avoir raté quelque chose pendant mes longues années d’étude. A côté de ça, je voulais aussi me rapprocher de ma famille et de ma compagne qui étaient à Beyrouth. Je voulais aussi, de manière plus générale, me rapprocher de mon pays, où tout est à faire et qui ne tient qu’à un fil depuis trop longtemps, essayer d’y construire quelque chose, d’y contribuer à ma façon.

Je suis donc rentrée au Liban, je suis retournée à l’Université Saint-Joseph où j’avais commencé mes études (on retourne toujours à nos premières amours) et j’ai proposé à la Pr Myrna Gannage qui était chef du département de psychologie à l’époque d’inclure des cours de neurosciences cognitives et de neuropsychologie au cursus de psychologie clinique.

C’est ainsi que j’ai obtenu en 2018 mon premier poste : maitre de conférence en neurosciences.

Je savais cependant que je ne voulais pas n’être qu’à Beyrouth, n’importe quel Libanais comprendrait, et plus encore dans le contexte actuel, terriblement, infiniment triste.

Je ne voulais pas non plus n’être que dans l’académique, puisque je voulais un impact autre, plus tangible, plus immédiat. En négociant les termes de mon contrat à l’université j’ai donc demandé à ce que ma charge de cours soit condensée sur une période de quelques mois. Cela me laissait plus de la moitié de l’année pour faire autre chose et pour être ailleurs. J’ai opté, pour commencer, pour une boite de conseil (pour me familiariser avec le secteur privé) qui travaille dans le numérique (parce que c’est le présent et le futur) et qui n’avait pas encore de recherche (pour participer à la construction du pôle R&D). Je voulais aussi être en France, parce que ça a toujours été mon deuxième pays. J’ai d’abord choisi le groupe Onepoint dont le siège est à Paris et avec lequel j’ai travaillé pendant plus de deux ans.

Je me lance aujourd’hui dans l’auto-entrepreneuriat afin de combiner mes recherches avec des missions conseils en life science et en R&D auprès de grands groupes, de plus petits groupes, et de fonds d’investissement. J’ai hâte d’attaquer cette nouvelle approche de l’innovation et du secteur santé !

Donc en gros je suis maitre de conférence et consultante en neurosciences et je passe mon temps entre Paris et Beyrouth.  

 

  • Tu as aussi co-fondé Sci-dip. Peux-tu nous parler du projet ?

LJB : Sci-dip (sci-dip.com) est une plateforme santé numérique qui s’inscrit dans une démarche open science avec la vocation de rendre la science et les dernières avancées autour des pathologies accessibles au grand public.
Notre projet émane du constat que, quand bien même les avancées de nos recherches pourraient être utiles à l’ensemble de la population, notamment dans le secteur santé, elles demeurent inaccessibles. Sci-dip ambitionne d’y remédier en proposant un volet média qui publie des réécritures d’articles académiques. Notre modèle est simple: on demande à des experts santé (MD, PhD, PharmD, thérapeutes) de réécrire des articles académiques (les leurs ou ceux de leurs pairs) déjà publiés dans des journaux avec comité de lecture.

Nous avons la conviction de créer avec Sci-dip un projet nécessaire aujourd’hui. Nous voulons profiter du contexte actuel et de l’intérêt quelque peu soudain (et qui risque de ne pas durer) porté à la recherche et au secteur santé. J’invite donc toute personne intéressée à publier sur notre site à nous écrire pour de plus amples informations info@sci-dip.com ou à soumettre un article directement sur notre plateforme!

 

  • Comment vous êtes-vous lancés dans l’aventure ?

LJB : Je savais que je voulais entreprendre un projet assez vite après ma thèse mais je ne savais pas lequel et quand. J’ai toujours tout plein de projets dans la tête mais entre la pression financière, le temps qui file et l’impression de ne pas être prête, c’est difficile de se lancer (le verbe de la question est bien choisi !). La pierre angulaire pour Sci-dip, ça a été une belle rencontre. J’ai rencontré Alexandre Mendes au heureux hasard d’une conversation. Je l’ai entendu parler de neurosciences dans un cadre où personne ne prononçait ce mot, il m’a dit qu’il avait fait un doctorat lui aussi, on a décidé de travailler ensemble. On a d’abord bossé sur d’autres projets et on a parlé de vulgarisation scientifique dans un autre cadre, puis l’idée de fonder Sci-dip est venue.

On s’entend super bien, on aime bosser ensemble, on a des compétences complémentaires mais surtout un vrai socle commun. C’est si important de trouver la bonne personne avec qui monter les projets les plus fous (ou les plus simples aussi, d’ailleurs).

 

  • Q : Pourquoi l’entrepreunariat ?

LJB :  Je suis entreprenante, j’aime entreprendre depuis que je suis gamine, depuis avant que ça ne devienne une mode. En commençant à faire du conseil à Onepoint, j’ai aussi travaillé avec un fond d’investissement familial qui s’appelle Globivest. C’est un fond qui a un portefeuille varié et qui s’intéresse notamment aux startups de biotech, med tech et à tout ce qui a un rapport avec la big data et la santé.

En travaillant avec l’équipe je me suis familiarisée avec le monde de l’entreprenariat et du private equity, j’ai compris le vocabulaire des VCs et ça m’a donné envie d’en faire partie. J’ai participé à quelques investissements, j’ai observé de près, puis je me suis lancée là où la première opportunité solide s’est présentée !

 

  • Q : Quels conseils donnerais-tu aux futurs docteurs qui souhaiteraient occuper un poste similaire au tien ?

LJB : Ce que je peux conseiller et ce sur quoi j’aimerais insister, c’est qu’il faut oser sortir des sentiers battus, il faut trouver la formule qui nous correspond le mieux, il ne faut pas avoir peur d’échouer, il ne faut pas non plus écouter les personnes (et elles seront nombreuses) qui nous rappellent à l’ordre, essaient de nous ranger dans des cases qui existent, dans une routine médiocre qui maintient le système. Et il ne faut surtout surtout pas faire ce que l’on attend de nous. Jamais. Le monde ne va pas hyper bien, il faut chercher à le changer.

 

CONTACT
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Linkedin : Laura-Joy Boulos

sci-dip.com

scidip.executive@gmail.com

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